La poésie entretient un rapport problématique avec la tradition : d’un côté, il s’agit d’écrire comme si l’on parlait pour la première fois. D’un autre, l’écriture est en fait tributaire non seulement des œuvres, mais des formes et des genres légués par le passé. Pour contribuer à dépasser cette contradiction, cette seconde anthologie Catastrophes a choisi de proposer des « matériaux de reconstruction », comme s’il ne s’agissait ni de commencer à zéro, ni de continuer dans la même veine, mais de reconstuire.

Elle le fait dans trois registres majeurs du genre, ici renouvelés : un « lyrisme au cordeau » (Foglia, Kérel, Beeckman, Albarracin) qui, loin d’en rester à l’épanchement de la subjectivité, serait plutôt une exploration tendue de la lyre elle-même ; des « formules magiques » (Artous-Bouvet, Rassov, Bai, Condello) qui revisitent, en repartant de la Chine ancienne, la tradition chamanique ; « la gnose fantasque » (Quatrebarbes, Youn, Tching, Condello), enfin, qui reprend et déplace le projet pongien d’une poésie studieuse et amusée, érudite et amusante.

À l’intérieur même de chaque partie, l'anthologie fait dialoguer des textes de différentes longueurs, des vers et de la prose, des originaux et des traductions et même de la critique : comme si la poésie se définissait moins par des propriétés superficielles, que par un effort profond et secret, liant les textes par une espèce d’amitié souterraine. Cette bigarrure joue parfois à l’intérieur des textes eux-mêmes, comme dans l’anthologie de Claire Tching qui relève à la fois de l’invention poétique, de la traduction et de la critique. Comme dans le volume précédent, une treizième texte clôt l’ensemble, ici une déambulation dans l’œuvre de Sylvia Plath.

Cette anthologie propose ainsi des matériaux de reconstruction, pour repartir en quelque sorte avant la séparation et le cloisonnement des genres, au plus près de son cœur, et de son souffle, aujourd’hui.

LAURENT ALBARRACIN est né en 1970. Il vit dans le Limousin. Il a notamment publié Le Secret secret (Flammarion, 2012) et Le Grand Chosier (Le Corridor bleu, 2016). Il dirige les éditions Le Cadran Ligné.

GUILLAUME ARTOUS-BOUVET est né en 1979. Il vit à Lyon. Il est l’auteur de L’Hermétique du sujet (Hermann, 2015) et Neuvaine (Littérature mineure, 2017).

BAI JUYI (772 – 846) était un poète chinois, l’un des plus importants de la dynastie Tang.

ANNE-MARIE BEECKMAN est née en 1952. Elle vit dans le Lot. Elle a notamment publié Diane et les tiges du ciel (Al Manar, 2014) et L’Amante érectile (Pierre Mainard, 2017).

MARTIN BOMBLED est né en 1979. Il vit en Savoie.

GUILLAUME CONDELLO est né en 1978. Il vit dans la banlieue parisienne. Il est notamment l’auteur de Les Travaux et les jours (Dernier Télégramme, 2012) et Ascension  (Le Corridor bleu, 2018).

MARINE CORNUET réside aux Etats-Unis. Traductrice de l’anglais, elle est aussi poétesse et a publié en anglais Keeping the Chaff and the Wheat (Unsolicited Press, 2018).

AURÉLIE FOGLIA est née en 1976. Elle vit à Paris. Elle est notamment l’auteur de Gens de peine (NOUS, 2014) et Grand-Monde (José Corti, 2018).

SÉBASTIEN KÉREL est né en 1975. Il vit en Bretagne. Il a notamment publié Une maison à l’ouest d’un peu près tout (Riveneuve, 2010).

MARIE DE QUATREBARBES est née en 1984. Elle a publié notamment Les pères fouettards me hantent toujours (Lanskine, 2012), et John Wayne est sous mon lit (CipM, 2018).

VICTOR RASSOV est né en 1991. Il vit, écrit et fait de la musique entre Paris et la Bretagne.

CLAIRE TCHING est née en 1989. Elle vit à Singapour.

PIERRE VINCLAIR est né en 1982. Il est notamment l’auteur du Cours des choses (Flammarion, 2018) et de Prise de vers (La rumeur libre, 2019).

MONICA YOUN enseigne à Princeton. Elle est l’auteur d’Ignatz (Four Way Books, 2010), finaliste du National Book Award, et de Blackacre (Graywolf Press, 2016).